La loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, dite loi Badinter, a pour objectif principal d'améliorer la situation des victimes d'accidents de la circulation en accélérant les procédures d'indemnisation et en renforçant leur protection juridique. Ce régime spécial d'indemnisation repose sur plusieurs principes fondamentaux, des conditions d'application précises et des mécanismes d'exonération. Nous tenterons ici de résumer ses conditions d’application et le processus d’indemnisation des victimes.
1 – Conditions d’application de la loi Badinter
Trois éléments doivent être réunis :
- Un accident de la circulation : Cela suppose que le véhicule soit en mouvement, mais cela exclue également les infractions volontaires (percuter volontairement quelqu'un) ;
- Un véhicule terrestre à moteur (VTAM) : voiture, moto, camion, pelle mécanique, tondeuse à gazon, chasse neige, chariot élévateur etc.
- Un dommage subi par une victime ;
La loi Badinter s'applique ainsi aux accidents de la circulation impliquant un véhicule terrestre à moteur (VTAM) sur une voie ouverte à la circulation publique. Peu importe que l'accident ait lieu sur une route publique ou privée, dès lors qu'un VTAM est impliqué dans l'accident.
2 – Protection renforcée des victimes par la loi BADINTER
Si vous êtes victime d’un accident de la route, notre article sur les premières démarches à réaliser pourrait vous intéresser.
La loi de 1985 dite « loi BADINTER » distingue deux catégories de victimes :
- Les victimes dites « protégées » : il s'agit des victimes non conductrices (piétons, passagers, cyclistes etc.). Ces victimes sont indemnisées même si elles ont commis une faute ayant contribué à la réalisation de l’accident. Une protection accrue existe en faveur des mineurs de moins de 16 ans ou des personnes de plus de 70 ans. Seules certaines fautes qualifiées permettent de limiter ou exclure leur indemnisation comme détaillé plus bas (point n°4 de l'article).
- Les victimes conductrices : leur indemnisation dépend de leur propre responsabilité dans l’accident. Si le conducteur a commis une faute, elle peut réduire ou exclure son indemnisation.
3 – Le rôle de l’assureur dans la loi de 1985
- Indemniser : En principe, l’assureur responsable prendra en charge l’indemnisation due à la victime. La loi de 1985 a mis en place de nombreux droits pour les victimes, et des obligations pour les assureurs. Il existe cependant des conventions inter-assurances (IRCA : convention d’Indemnisation et de Recours Corporel Automobile) permettant en théorie de simplifier l’indemnisation des victimes. Les assurances peuvent donc dans certains cas « s’arranger entre elles » : concrètement l’assurance de la victime se chargera de l’indemnisation de son assuré victime directement. La compagnie d'assurance exercera ensuite un recours "en interne" contre la compagnie d’assurance du conducteur responsable.
- Délais pour indemniser : L’assureur aura l’obligation de formuler des propositions d’indemnisation dans le respect des délais prévus par l’article L. 211-9 du Code des assurances :
- 3 mois à compter de la demande d’indemnisation : l’assureur doit présenter une offre si le préjudice est d’ores et déjà entièrement quantifiable et que la responsabilité de l’accident n’est pas contestée.
- 8 mois à compter de l’accident : la compagnie d’assurance doit proposer une offre d’indemnisation à la victime (provisoire ou définitive selon que la victime est déjà consolidée ou non).
- 5 mois à compter de la date à laquelle l’assureur a été informé de la consolidation de la victime : l’assureur doit transmettre une offre définitive d’indemnisation.
- Ces délais sont, régulièrement, non respectés par les assurances ce qui peut avoir un intérêt dans le cadre des négociations ou du contentieux comme il sera étudié infra.
- Les pièges à éviter :
- Penser que vous n’êtes pas libre de choisir votre avocat : le choix de l’Avocat est entièrement libre. Il peut vous assister à toute étape de la procédure et personne ne peut vous l’imposer : ni les assurances, ni les médecins, ni les associations de victimes.
- Penser que vous n’avez pas le droit à indemnisation : Vous êtes piéton, mais vous avez traversé en dehors du passage piéton. Vous pensez donc que vous étiez en tort et qu’à ce titre, votre indemnisation sera forcément réduite : vous signez volontiers l’offre qui vous est faites. Non ! Quelle que soit votre situation, prenez le temps d’en parler à votre avocat car même dans les situations les plus graves vous avez la plupart du temps droit à être indemnisé pour les préjudices subis.
- Penser que, parce que c’est votre assurance, elle est forcément de votre côté : par le biais de la convention IRCA, votre assurance peut être en charge de votre indemnisation. Pour autant, retenez bien qu’elle ne peut pas être à la fois le payeur tout en étant de votre côté. Il en va de même du médecin expert désigné par votre assurance qui se doit d’être neutre, certes, mais reste désigné et réglé par l’assurance. Dans ces situations, le seul à n’avoir aucun conflit d’intérêt et à être de votre côté sera votre avocat.
- Penser que la somme proposée par l’assurance ne peut pas être négociée : Faux ! C’est là toute la plus-value de votre avocat. La proposition de l’assurance est systématiquement négociable non seulement en débattant des barèmes applicables, mais également en analysant votre situation, transmettant les bons justificatifs et les bonnes jurisprudences.
- Ne signez rien sans que votre avocat ne l’ait validé : selon les documents signés, vous abandonnez peut-être votre droit à agir pour obtenir indemnisation (transaction) sans même vous en rendre compte. Vous signez potentiellement une offre d’indemnisation en deçà de ce à quoi vous pourriez réellement prétendre. Attention donc à ne pas signer à la hâte une offre d’indemnisation que vous semble intéressante.
- Rôle de l’avocat vis-à-vis de l’assureur : l’avocat vérifiera les documents à signer et donc l’évaluation de votre indemnisation, négociera les provisions à vous verser, vous accompagnera à l’expertise, se battra pour vous obtenir la meilleure indemnisation possible et, si l’amiable n'aboutit pas il est le seul à pouvoir agir devant les tribunaux pour que vous soyez indemnisé tout en vérifiant si l’assureur a bien respecté ses obligations (à défaut, il sollicitera des compensations financières à votre profit (L’article L211-13 du Code des assurances prévoit, en cas de défaillance de l’assurance (ou même en cas d’offre tardive, d’offre insuffisante), le doublement du taux de l’intérêt légal courant sur la totalité de l’indemnité allouée à la victime de la route à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour du jugement définitif ce qui peut aboutir à des sommes importantes).
Vous pensiez qu’un avocat en dommage corporel vous coûterait cher, mais notre intervention auprès de nos clients a systématiquement permis d’élever leur indemnisation de plusieurs dizaines, voire dans certains dossiers, centaines de milliers d’euros. Savez-vous réellement ce qu’il vous en coûte de ne pas être assisté ?
4 – Causes d’exonération de l’indemnisation au titre de la loi de 1985
Même si la loi BADINTER offre un régime spécial d'indemnisation, favorable aux victimes, il existe des causes d'exonération aboutissant à une limitation, voire une exclusion du droit à indemnisation.
Pour évoquer les causes d’exonération, il convient de distinguer les dommages aux biens, par rapport aux dommages aux personnes ; puis dans ces dommages aux personnes, de distinguer si la victime était conductrice ou non.
- Dommages aux biens (article 5, alinéa 1 de la loi du 5 juillet 1985) : oui, la faute de la victime peut limiter ou exclure son droit à indemnisation concernant les dommages aux biens qu’elle a subis.
- Dommages aux personnes, indemnisation selon que la victime est conductrice ou non conductrice :
- Victime non conductrice (piéton, cycliste, passager - article 3, alinéa 1 de la loi du 5 juillet 1985) : protection renforcée. Leur propre faute ne peut pas leur être opposée, sauf faute qualifiée :
- faute inexcusable cause exclusive de l’accident : « faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience » (2e civ., 20 juill. 1987, n°86-11.582 confirmé par (Cass. ass. plén., 10 nov. 1995, n°94-13.912 ; Cass. 2e civ. 10 mars 2016, n°15-10.824).
- Ou s’il s’agit d’une faute intentionnelle (la victime a voulu la réalisation du dommage : suicide par exemple).
- Victime non conductrice de moins de 16 ans ou de plus de 70 ans ou atteint d’un taux d’incapacité permanente ou d’invalidité de 80% : seule leur faute intentionnelle peut leur être opposée.
- Victime conductrice : son sort est moins favorable dès lors qu’il exerçait un pouvoir d’usage, de direction et de contrôle sur le véhicule impliqué dans l’accident. Sa faute peut donc lui être reprochée pour limiter ou exclure son droit à indemnisation, à la seule condition qu’il existe un lien de causalité entre sa faute et son préjudice. Cette limitation ou exclusion sera soumise à l'appréciation des juges du fond.
- Cas de la victime par ricochet (article 6 de la loi BADINTER) : « Le préjudice subi par un tiers du fait des dommages causés à la victime directe d'un accident de la circulation est réparé en tenant compte des limitations ou exclusions applicables à l'indemnisation de ces dommages ». Ainsi, s’il est opposé à la victime principale une faute de nature à limiter ou exclure son indemnisation, la victime par ricochet verra son indemnisation réduit de la même façon.
Vous avez été victime d’un accident de la route à La Réunion (ou ailleurs en France), n’hésitez pas à contacter notre Cabinet pour un accompagnement à chaque étape, mais également à consulter notre page dédiée à l'indemnisation du dommage corporel et aux accidents de la route à La Réunion.