A retenir :
Quand un salarié est victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (AT/MP), le régime de la Sécurité sociale indemnise d’abord « au forfait ». Mais lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger et n’a pas pris les mesures propres à préserver son salarié, la loi permet une réparation complémentaire : c’est la faute inexcusable de l’employeur (FIE). Elle ouvre droit à une majoration de la rente à son maximum et à l’indemnisation de multiples préjudices personnels. Le tout est encadré par l’article L452-1 du Code de la sécurité sociale et la jurisprudence.
Le texte pivot est l’article L.452-1 du Code de la sécurité sociale. Il dispose que, lorsque l’accident est dû à la faute inexcusable de l’employeur, la victime (ou ses ayants droit) a droit à une indemnisation complémentaire. La faute inexcusable est caractérisée si l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel le salarié était exposé et s’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver. Cette définition, d’origine jurisprudentielle (notamment contentieux amiante), est aujourd’hui classique.
Concrètement, il ne suffit pas d’un accident : il faut démontrer un manquement à l’obligation de sécurité en lien avec l’accident ou la maladie. La faute inexcusable n’a pas besoin d’être la cause unique du dommage : il suffit qu’elle en soit une cause nécessaire.
Pendant des années, la Cour de cassation a parlé d’obligation de sécurité de résultat. Depuis l’arrêt Air France (Cass. soc. 25 novembre 2015, « Air France », n°14-24444 (P+B+R+I)), la Chambre sociale a infléchi sa position : l’employeur peut s’exonérer s’il prouve avoir pris toutes les mesures de prévention prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du Code du travail (évaluation, actions de prévention, information-formation, organisation adaptée). On parle désormais, en pratique, d’obligation de sécurité de moyen renforcé. Pour les victimes, cela ne change rien à la définition de la faute inexcusable : la question centrale reste la conscience du danger et l’insuffisance des mesures de prévention.
Depuis la réforme des juridictions sociales, les litiges AT/MP et les actions en faute inexcusable se portent devant le pôle social du tribunal judiciaire territorialement compétent.
L’action en reconnaissance de la faute inexcusable est enfermée dans un délai de deux ans. Ce délai est régi par l’article L.431-2 Code de la sécurité sociale : il commence à courir, selon les cas :
On parle de consolidation lorsque l’état séquellaire se stabilise (sans préjuger d’une guérison complète). C’est un repère important pour le calcul des droits et peut constituer un point de départ du délai de prescription de l'action en faute inexcusable (la consolidation coïncide souvent avec la cessation du paiement des indemnités journalières). La CPAM notifie la date de consolidation après avis du médecin-conseil ; cette date conditionne notamment l’évaluation du taux d’incapacité permanente (IPP) et le passage de l’indemnisation en rente (ou capital si l’IPP est inférieur à 10 %).
La reconnaissance de la FIE entraîne de plein droit la majoration de la rente (ou de l’indemnité en capital) à son maximum légal. En pratique, la rente majorée ne peut excéder la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité (ou le montant du salaire en cas d’incapacité totale). Le texte applicable est l’article L.452-2 du Code de la sécurité sociale.
Si pendant longtemps la Jurisprudence a considéré la liste de l’article précité comme étant limitative, dans une série d’arrêts pourtant anciens datés du 4 avril 2012, la Cour de cassation reconnaît aux salariés victimes d'accidents du travail ou de maladies professionnelles dus à la faute inexcusable de leur employeur le droit à une réparation de l'ensemble de leurs préjudices non couverts par le régime d'indemnisation forfaitaire (Cass. 2e civ., 4 avr. 2012, n° 11-15.393, n° 706 FS - P + B + R + I Cass. 2e civ., 4 avr. 2012, n° 11-14.311, n° 705 FS - P + B + R + I Cass. 2e civ., 4 avr. 2012, n° 11-18.014, n° 544 FS - P + B + I Cass. 2e civ., 4 avr. 2012, n° 11-12.299, n° 712 FS - P + B + R + I).
En plus de la majoration de rente, la victime peut réclamer à l’employeur (via la caisse qui en fait l’avance) une réparation complémentaire :
L’obligation de sécurité vise la santé physique et mentale. Les manquements peuvent donc concerner aussi bien des risques matériels (chute, machine non protégée, port de charges, exposition chimique) que des risques psychosociaux (harcèlement, surcharge chronique, absence de mesures de prévention du stress). Le juge apprécie in concreto :
En pratique :
À l’inverse, la jurisprudence exclut la faute inexcusable si l’employeur ne pouvait raisonnablement pas avoir conscience du danger (risque inédit ou imprévisible, mesures prises à la hauteur des connaissances disponibles, etc.).